Texte du sujet: Folie, sujet 3 : "Another Brick In The Wall"

Alors voilà, il faut s'imaginer le brouillard d'un parc. Ou le soleil. Ou la pluie, même. Ca n'aura pas d'importance.

Alors voilà, elle est dans un parc parce qu'elle a envie d'être dehors. Elle a eu une longue conversation avec un buisson d'orties tout à l'heure : c'était très harmonieux.

Il y a des gens qui parlent, c'est bien leur droit. Il y a des gens qui lisent.

Finalement, imaginez plutôt du soleil. Elle écrit au soleil et ça fait trois jours qu'elle pense à devenir 1. un couteau 2. un buisson d'orties 3. un ragondin. Ca sent la soupe et la bière. Il y a beaucoup de regards sordides, qui planent, et des moustiques. Elle a deux traits rouges, symétriques, sur chaque joue, faits avec du maquillage de Carnaval.

Son ethos est constitué d'un regard noir. Il est hors de question de psychologiser cette histoire. Elle sourit quand même aux gosses et aux poules d'eau, aux autres elle ouvre la fenêtre sombre. Il est aisé d'avoir l'air mauvais quand on dispose d'une base suffisante de désespoir. Le maquillage est fait pour polariser les yeux destinés à la foudre. Il n'y aura pas d'autre pont que celui-là -- regarde, regarde dans son puits, c'est un petit morceau de vengeance. On annonce le sentier de la guerre ; voilà, c'est par là, faites attention soyez prudent.e.s. Il y a une terreur ambiante, une angoisse inerte qui pend des saules pleureurs, c'est l'idée qu'elle pourrait plaire, même accidentellement. Il y en a qui trouvent ça CHARMANT, je répète, CHARMANT cette pestilence figée où se drape son visage. Toute pensée du genre se déverse abondamment dans le bassin de sa rage, rampante.

En fait, elle a une tête de cygne. Immobile, stricte. Une grande fatigue commande aux mouvements, une pesanteur. Tout participe à l'édification silencieuse de la forteresse de solitude. Elle a découvert une graine, qui sera son jardin pour un temps.

 

Alors vient le plaisir urgent d'assassiner un par un tous les voeux. La culture minutieuse de l'inconfort. Elle voit passer la fille au vélo, elle pense : je veux être un couteau. La grande qualité de ce mal est dans sa forme végétale et parasitaire.

Il suffit de penser l'extension pour que croisse la jungle de lierre. Ce sera pire quand elle aura faim ; la faim ouvre une variété immense de vide. Il y a une chose que je peux déjà vous confier : si pour se nourrir il faut ouvrir la parole, elle préfèrera couver le vide.

Elle épouse les orties, sa famille, en rêve.

 

Le rire et l'ego sont des éléments très mesquins de l'existence. Elle se rappelle la couleur de la lagune rendue au silence amniotique, la face admirable des falaises. Au milieu Franz Kafka. Il parlait de coups de hache sur le lac gelé ; il me semble qu'il était fin connaisseur de lacs gelés.

Hymne à la cave de Kafka.

 

Elle se retranche, elle exalte le moment du non jusqu'à des proportions hubristiques. Elle s'ortifie.

 

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A-Nacht
Le couteau, c'est pas mal pour cueillir les têtes d'orties sans se piquer, afin d'en faire de la bonne soupe, à boire avec une ale ambrée comme une feuille volante, dans un parc en automne, mais pas en compagnie de cafards^^
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PamelaChougne
J'aime beaucoup ta manière d'écrire, c'est fin et ça fait mouche, à chaque fois. Merci.
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Justine
Du haut niveau :) J'ai du le lire plusieurs fois pour espérer bien cerner ton écrit
En tous cas bravo

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Yoxigen
Ce qui est bien c'est que j'apprends de nouveaux mots à chacun de tes textes \o/ Là c'était "hubris" ^^
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