Texte du sujet: La Ville - Sujet 1 : "Un Indien Dans La Ville"

Bois de Boulogne, juillet 1907

 

 

Je faisais rien de mal après tout. Je vendais du rêve aux hommes esseulés et soulageait ces femmes trop frigides ou trop peu créatives. Moi Valentine, la Valentine frisée comme un mouton. La Valentine aux petits petons. La Valentine aux petit menton. La Valentine aux petit bidon.

Adossée contre un arbre fort et majestueux aux glands pendants, je faisais petite chapelle comme promesse d'actes pas des plus catholiques. Une jambe en équerre, pied posé contre l'écorce noire, le tisse de ma robe la dévoilant timidement. Caché derrière le tissu, un trou dans ce tronc épais cachait l'argent amassé grâce à mon corps, mon franc parler et mon absence de tabou, des bonbons à la menthe (apparemment ça faisait des sensations agréables sur le membre), et une petite bouteille d'absinthe pour tuer l'ennui.

La soirée était calme. A croire que tous les hommes du 16ème avaient décidé de rester bien sagement avec leurs épouses ou étancher leur solitude dans un bar. Préférant la fraîcheur de l'alcool à la chaleur du corps d'une femme payée pour ça. Je regardais les autres filles de notre clan qui étaient dans la même galère que moi. Apparemment, elles gagnaient pas plus que moi ce soir là.

 

Soudain, je devinais des pas virils pas très loin de moi. Parée, je faisais ressortir ma poitrine, levait ma jambe et faisaient mes regard le plus sensuel qui soit. Ah c'était pas un potentiel client. C'était mon coco, mon bijou, mon chéri, mon homme. Habillé de ces chaussures brillantes, son veston en lustrine noire, son tricot et son large pantalon. Il était beau avec ses cheveux noirs, sa taille dominante et son regard émeraude. Je l'aimais tellement, et il me le rendait si bien.

 

- « Bonsoir ma Valentine. Comment ça se passe ? »

- « Ca se bouscule pas au portillon »

 

Il posa une main douce sur ma hanche et m'embrassa. Ses lèvres étaient pas comme celles de la clientèle.

 

- « C'est toujours moins de mâles qui souillent ton corps »

- « Aucun ne t'arrive à la cheville mon bijou.»

- « Promet que tu n'aimes que moi Valentine »

- « Je te le promet mon bouchon. J'ai toujours ton image en tête quand un client me prend dans ses bras »

 

Il m'embrassa à nouveau. Chaque soir j'avais hâte que le travail se termine pour retrouver ses bras et qu'il me fasse connaître le véritable amour. Un acte respectueux pour une personne respectée.

 

- « On a fait le bon choix de viser le 16ème ? On dirait qu'ils sont tous frigides ou fidèles dans ce coin... »

- « C'est un mauvais soir. Après tout on est arrivés qu'hier. On va attendre encore un peu... »

 

Tout à coup, des aboiements, des cris. Je vis des filles courir vers nous en nous disant :

 

- « Ils ont lâché les chiens !!! »

 

Dans la précipitation, je pris mon argent, mes bonbons et ma bouteille d'alcool. Mon bijou me tendit sa sacoche pour les ranger et nous partîmes en courant. Main dans la main, nous étions comme deux amants en fuite. Les Roméo et Juliette de la Belle Epoque. Les chiens, les policiers, la guillotine, rien ne pourrait nous séparer...

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A-Nacht
On dirait une chanson du vieux répertoire français, revisitée en nouvelle. C'est charmant !
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