Texte du sujet: Sorcellerie, sujet 5 : "Chasse aux sorcières"

Pluie d’acide. Vents violents. Coups de tonnerre en arrière-plan.

Guetteuse regarde un instant derrière-elle ses sœurs qui préparent le rituel. Ça lui est normalement interdit : une guetteuse guette, vers l’extérieur de la grotte, et c’est tout. En aucun cas, même une seconde, elle n’est censée quitter des yeux l’horizon. Mais Nature la fascine. Ces cercles sur le sol. Sa transe. Ses yeux translucides… Son pouvoir, puissant, violent, sans limite, sur les éléments.

Guetteuse reprend son poste, plus pour admirer les effets de la transe de sa sœur que pour détecter une éventuelle menace. Comme prévu et à une vitesse stupéfiante, la pluie d’acide est remplacée par une douce pluie de printemps. Les vents radioactifs s’éteignent au profit d’une douce bise du Nord. Les nuages semblent s’enfuir. Et le miracle se produit. Ciel d’un bleu infini. Soleil brûlant et éclatant. Comme sur les images du « monde d’avant ».

Alors qu’elle regarde en l’air, émerveillée, Guetteuse est surprise par une main sur son épaule et sursaute doucement. « Ce n’est pas le ciel que tu es censée surveiller ! C’est en face ! » C’était Chasseuse qui la réprimandait, d’un ton sec et cassant. « L’entrée du couvent, les anciennes routes, l’horizon. En service, ne regarde jamais rien d’autre ! Tu sais que nous ne serons pas les seules à profiter de l’éclaircie…»

Sans attendre de réponse, Chasseuse se mit en route, sa grande hache en main. « Elle nous condamnera toutes… » se dit-elle, rageuse. Dans peu de temps, cette rage sera bien mise à profit. C’était sa seule satisfaction.

*

* *

« Soleil ! » condamna l’inquisiteur comme s’il annonçait une sentence. « Soleil ! » hurla-t-il une seconde fois, alors qu’il pénétrait dans le cabanon du Général, sans y avoir été invité.

« On a vu… » grommela ce dernier qui détestait être interrompu de la sorte. Mais c’était l’Inquisiteur, il fallait bien le supporter…

« Allez-vous donc sans rien faire laisser ces femelles hérétiques manipuler le monde de Dieu ? N’allez-vous donc pas réagir et mettre un terme à ces pratiques impies ? Mou que vous êtes, votre père en son temps au moins, n’hésitait pas à… »

« Laissez mon père dans sa tombe ou vous irez le rejoindre plus tôt que prévu… » menaça le Général.

Sur un ton plus doux – on sentait même un soupçon de peur – l’Inquisiteur reprit tout de même la parole : « Si Dieu veut punir l’humanité qui s’est détournée de lui, par des vents radioactifs, par des pluies qui déchirent la peau, ou par je ne sais quel châtiment, c’est son droit le plus divin. Nul homme, et surtout nulle femme, n’a le droit de détourner ainsi la colère du Tout Puissant… »

Le Général aurait bien aimé répondre que si Dieu était aussi « tout puissant » que ça, il s’arrangerait de lui-même pour faire cesser ces rites et cette magie. Il aurait pu aussi lui faire remarquer que, officieusement certes, s’ils avaient emménagé dans cette ancienne base militaire souterraine, c’était bien à cause de la présence de ces femmes qui, de temps à autre, permettaient de sortir au grand jour, de ramener de la viande de Kiorg, bref de se nourrir et même, parfois, de chasser ces femelles à des fins reproductives. Leurs progénitures étaient peut-être « impies » ou « diaboliques », mais au moins les enfants naissaient moins souvent avec des membres en moins (ou en plus), des mutations affreuses, et des maladies qui les condamnaient avant leur deuxième année. Un sur deux ou presque survivait. Contre à peine un sur dix chez leurs propres femmes.

Et puis, ces femelles possédaient du pouvoir. Et ce pouvoir intéressait bien plus le Général qu’un Dieu qui lui donnait la légitimité de régner sur ses hommes, certes, mais qui était bien inutile au quotidien.

Un pouvoir qu’il convoitait. Et dont il allait bientôt s’emparer.

*

* *

Liseuse caressa doucement les cheveux de Nature, qui avait de plus en plus de mal à récupérer après chaque nouvelle transe. « ça va aller… » la rassura-t-elle avec douceur.

« Combien de temps encore… ? demanda Nature, d’une voix aigre.

- Je ne sais pas.

- Si, tu sais… »

Liseuse soupira et conclut tristement : « C’est vrai… Je sais… ». C’était là son don, ainsi que son fardeau.

*

* *

Le Général avait un mal de tête de chien. C’était le seul pouvoir réel de l’Inquisiteur. Foutre le mal de tête. Et faire brûler un de ses soldats par ci par là, ou une des femmes, pour d’obscures raisons. Enfin, il avait réussi à le congédier. Il regardait ses hommes se préparer, monter dans les véhicules, charger leurs munitions. Ce serait sa bataille la plus glorieuse. Toute son armée contre une cinquantaine de femelles en vérité, quelle gloire… Mais elles étaient coriaces. Il ne ferait pas l’erreur de les sous-estimer.

Les préparatifs étaient presque terminés maintenant. Les hommes alignés, on leur distribuait de l’alcool.

Capturer les impies.

Se débarrasser de l’inquisiteur.

Conquérir le monde, anéantir les clans adverses, refonder la civilisation, grâce aux pouvoirs de ces sorcières.

Devenir Empereur.  

Le plan ne pouvait pas échouer. Dominer, le Général était né pour ça.

*

* *

Chasseuse regardait le monstre qui lui faisait face. Une bête immonde, fruit des mutations génétiques les plus folles, qui avait réussi à survivre à cet environnement. D’un cri de rage, Chasseuse bondit sur la créature et lui décocha un coup de hache, puis deux, puis trois. Sans effet autre que d’attiser la rage de la créature, et de calmer un peu la sienne. Peine perdue, c’était évident. Aucune forme humaine n’était assez puissante pour entamer une telle carapace.

Chaque fois que la créature l’attaquait, Chasseuse l’esquivait avec grâce, puis faisait mine de fuir en courant, en s’approchant un peu plus du couvent. Ils cavalaient l’un derrière l’autre, et chaque fois que la bête semblait la rattraper, Chasseuse évitait de quelques millimètres ses griffes, ses dents, ou ses coups de queue. Chaque fois que la bête se lassait, Chasseuse revenait à la charge. Un coup, deux coups, trois coups, jusqu’à ce que le monstre explose de colère à nouveau.

Chasseuse savait d’instinct quand est-ce que l’animal tomberait de fatigue. Elle savait zigzaguer, tourner en rond, aussi longtemps que possible, pour faire en sorte que sa proie s’effondre à quelques centaine de mètres à peine du repaire de ses sœurs.

Plus que tout, Chasseuse aimait ça.

Et comme elle l’avait calculé, ou ressenti, à l’endroit même où elle le désirait, la bête s’effondra. Se releva difficilement, et retomba encore. Elle avait du mal à respirer, donnait des coups de pattes aléatoirement. Chasseuse regarda sa proie avec un sourire cruel. « La force sans l’intelligence, voilà tout ce que je dédaigne… ! » se dit-elle. Elle, elle avait montré son intelligence. Sa rapidité. Son adresse. Son habileté. Sa ténacité. Elle réservait la « force » pour le coup de grâce.

Chasseuse frappa la terre de sa main gauche, et psalmodia… « Déesse… Déesse… DÉESSE ! » Du sol jaillit une lumière d’énergie pur qui la frappa et l’entoura en quelques secondes. Elle leva sa hache des deux mains et l’abattit vers la nuque de l’animal essoufflé, et le décapita net.

Chasseuse s’assit sur sa proie alors que la Force de la Déesse la quittait, soudain abattue elle aussi par la fatigue, quand elle cru entendre une voix, quelque chose.

Elle leva les yeux vers le poste de garde de Guetteuse. Elle lui criait quelque chose effectivement, en secouant les bras dans tous les sens, qu’est-ce qu’elle voulait encore, cette cruche… Quand elle entendit autre chose. Un grondement. Des grondements. Qui venaient de l’ancienne route et roulaient à présent à même le sable.  

Des hommes.

Pas mal d’hommes.

Une armée d’hommes.

Plus grande que toutes celles qu’elle n’avait jamais vu…

Elle se releva en un éclair, et se mit à courir vers l’entrée du Sanctuaire.

*

* *

 Dans son siège en osier finement décoré, Liseuse était assise les yeux fermés. Nature dormait auprès d’elle, la tête sur ses genoux. Liseuse ouvrit les yeux et déclara doucement : « Les voilà. »

Guetteuse arriva en trombe dans la salle de prière, paniquée, et cria : « dehors, il y a, des, plein de… »

« Je sais » la coupa gentiment Liseuse, sans réussir à réprimer un sourire. Puis elle répéta, plus fort, à l’attention de deux sœurs en longues robes noires qui attendaient au fond de la pièce. « Les voila ! »

Charmeuse et Envouteuse se regardèrent dans les yeux, s’embrassèrent du bout des lèvres, et se dirigèrent main dans la main vers la sortie en souriant.

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Leeloorocks
Je voudrais commander un exemplaire du futur roman qui racontera cette histoire dans son ensemble, merci !

C'est hyper prenant, le mélange des univers est top, vraiment si tu décides un jour d'écrire la suite, je suis preneuse !

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AirellaRed
Bon, je ne m'attendais pas à une fin coupée net ainsi. C'est frustrant.
A quand la suite?

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plancton2000
Euh est-ce qu'on peut voir la scène de yuri du coup. Svp.
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Yoxigen
ça, dans mon bizness plan, c'est prévu dans les services PAYANTS des scriptonautes :D
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A-Nacht
Sorcellerie post-apocalyptique ! Au bûcher, ensorceleur de l'écriture ! Soleil ! Soleil !...
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Yoxigen
On dirait du "sous x-men" version féminine, je suis un peu mal à l'aise avec ce texte. C'est pas qu'on ne peut pas rien en faire au niveau de l'intrigue, au contraire même. C'est que niveau littéraire, c'est + un script qu'une véritable nouvelle.
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