Texte du sujet: Les Rêves - Sujet 2 : "I Have A Dream"

Citoyennes et citoyens de la République française, d’Europe et du Monde. Frères et sœurs d’humanité !

L’hiver, comme chaque année, s’est couché sur nos contrées. La neige est bien là, flamboyante dans les lueurs électriques de nos réverbères, tournoyant comme sur un manège de flocons enchantés, dans les jeux des enfants.

L’hiver est beau, certes ! Mais il est glacial. Ne l’oublions pas ! Il peut devenir le plus implacable des assassins, le plus froid des meurtriers.

L’hiver, pour les plus misérables d’entre-nous, dans nos villes et dans nos villages, est synonyme de déchéance, d’oubli et de mort.

Ils sont, des êtres humains, sur nos boulevards, dans nos avenues, sur nos sentiers de campagne, craignant chaque jour et chaque nuit sa morsure fatale : des pères, des mères, des enfants, survivant sous des abris de fortune, des piles de couvertures, des cartons humides.

Ils sont des inconnus qui luttent, de toutes leurs forces, contre le sort d’insensibilité que notre société leur jette, voués, par l’individualisme de nos mœurs, au dénuement de plus cruel, économique, social et moral.

S’il vous plaît. Ne détournez pas vos regards. Ne détournons pas nos yeux !

J’entends dire, par ci et par là, que ces individus l’ont bien choisi ! Qu’ils méritent ce qui leur arrive. J’entends aussi dire qu’il vaudrait mieux les enfermer ! Les nourrir de force ! J’en entends dire, des balivernes.

Sous ce porche ? Un vieil homme retraité qui ne peut plus s’acquitter d’un loyer.

A la faveur d’un air plus chaud, expulsé depuis l’entré de la bouche du métro ? Une famille, dont les maigres revenus ne subviennent plus à leurs besoins vitaux. (La vie est chère).

Dans sa voiture ? Une mère isolée, travailleuse pauvre, et son fils, qui dormiront à demi-assis, leurs dos courbés, en attendant que viennent les déloger, les représentants de la force publique.

Dans ces tentes, à peines suffisantes pour y dormir l’été ? Des migrants apeurés, ayant fui l’enfer de la guerre et survécu à celui de la traversée de la Méditerranée.

Toutes et tous des frères et des sœurs d’humanité ! Des hommes et des femmes. Des êtres qui souffrent.

S’il vous plaît, ne fermez pas vos regards ! Ne fermons pas nos yeux ! Personne ne peut être aveugle, ni sourd, à cette réalité : des adultes autant que des enfants meurent de cette indifférence.

Bien sûr, beaucoup d’entre-nous, qui pouvons encore nous loger, nous vêtir, nous nourrir, nous occuper de nos proches –beaucoup d’entre-nous, par conviction, compassion, altruisme ou engagement, ne rechignons pas à donner –qui un peu d’argent, un duvet, de quoi manger, qui de la chaleur humaine, un sourire…

C’est louable, c’est noble et c’est extrêmement généreux !

Mais cela ne suffira pas à endiguer, ni à soigner, la misère patente, croissante, exponentielle, qui s’installe durablement, toujours plus insidieuse, plus rapide, et qui s’enracine profondément, comme une cicatrice, sur la peau de notre société férue de modernisme, d’innovation, et percluse de bonne conscience.

A l’heure de la connexion technologique quasi-instantanée avec des personnes, dont nous ne soupçonnions ni l’existence, ni l’opinion, il y a seulement trente ans –et avec lesquels nous nouons, aujourd’hui, des amitiés durables, créant de nouveaux réseaux de partage, et ce, malgré notre éloignement, malgré nos différences… A l’heure de l’exaltation collective et de l’émulation créée par l’usage de la communication numérique sociale. A l’heure de la mobilité géographique…

J’ai l’espoir d’un monde où nous ne pourrions, en aucune circonstance, sous aucune excuse, laisser dépérir et mourir notre voisin, dans notre ville, dans notre immeuble, dans notre rue, dans notre communauté.

J’ai l’espoir d’un monde, au sein duquel le devoir premier de chacun serait de faire attention à la survie d’autrui.

J’ai l’espoir d’un monde, dans lequel les citoyens exigeraient, de leurs élus, que l’effort national, fédéral, mondial, soit en priorité tourné vers l’éradication (et je pèse ce mot : l’éradication !) de cette inégalité fondamentale, primitive, qui nous dicte que, pour que quelques-uns des plus privilégiés puissent manger et dormir au chaud, dans des hôtels et des résidences de luxe, chacune et chacun des autres dussent être inexorablement condamnés à mourir de froid, et à souffrir de dénutrition !

J’ai l’espoir d’un monde, pour lequel serait sanctifié et respecté ce précepte gravé, depuis la révolution française, au frontispice des bâtiments de nos institutions représentatives, de nos mairies –et que le monde entier nous envie : Liberté, égalité, fraternité !

La fraternité ! Qu’est ce qu’elle pourrait bien signifier sans la solidarité ?

On me prétend que certains sont rétifs aux conditions d’hébergement qui leur sont proposées. On me raconte aussi que certains sont mentalement malades. On me confirme que certains ont des chiens, dont ils ne veulent pas se séparer. (Mais bon dieu ! Ce sont leurs derniers compagnons d’errance !) Est-ce une raison valable de les laisser mourir ? Est-ce une raison valable de les abandonner ?

Citoyennes et citoyens. Frères et sœurs d’humanité. Exigeons que notre légitime impôt, plutôt que de subventionner le capital d’entreprises, qui le redistribueront invariablement à leurs mêmes actionnaires privés, plutôt que de subvenir au train de vie somptueux, des édiles de l’état, soit utilisé à bon escient !

Exigeons que soient réquisitionnés les logements vacants de toutes nos municipalités (qui, pour nombres d’entre eux, ne servent qu’à entretenir une spéculation financière outrancière, et qui permettraient, s’ils étaient libérés, de loger celles et ceux qui risquent de décéder dans l’anonymat, durant les périodes de grand froid) !

Exigeons que soient mis à profit tous les bâtiments publics inutilisés : anciennes casernes militaires, anciens lycées et hôpitaux abandonnés, tous les lieux de vie possiblement mobilisables !

Exigeons de changer les conditions d’hébergement, d’adapter, de  rénover et de construire des appartements décents, familiaux, individualisés ! Exigeons de former et de rémunérer des travailleuses et des travailleurs sociaux, mieux à même de rencontrer, d’orienter et d’accompagner ces personnes, vers une possible réinsertion !

Exigeons, qu’avant que le principe de rentabilité, à n’importe quel prix, ne fasse encore plus de dégâts et ne creuse de nouvelles tombes, le principe d’humanité soit appliqué, comme une priorité intangible, concernant le traitement des êtres vivants, quels qu’ils soient, qui ils soient !

Pour tout dire, Mesdames et Messieurs, J’ai l’espoir d’un monde simplement plus humain.

Et c’est pourquoi, citoyennes et citoyens de la République, d’Europe et du Monde, frères et sœurs d’humanité, je vous en conjure, je vous en supplie : Exigeons cet impossible qu’on voudrait nous faire croire inatteignable !

Et surtout, ne fermons plus jamais les yeux !

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AirellaRed
Il y en a un qui pourrait postuler comme chef de cabinet pour des personnages politiques...
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A-Nacht
J'ai failli, dans ma jeunesse. J'étais objecteur de conscience dans une mairie très très à gauche et j'ai vite été chargé de la rédaction de nombreux dossiers (officieusement , car comme militaire appelé, je n'avais pas le droit d'exprimer mon avis publiquement, ni de manifester). Cela dit, j'ai rapidement déchanté face aux concessions quotidiennes et aux retournements de vestes opportunistes, des uns autant que des autres.
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Yoxigen
Fort !

C'est où, qu'on signe ?

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A-Nacht
Mdr ! Consignes ! Je les ai respectées, tu remarqueras : ethos, pathos et logos...
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Yoxigen
J'ai vu :) Et c'était pas évident... Respect !
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