Texte du sujet: "Souvenirs" - Sujet 3 : "Je me souviens, façon Perec"

 

 

1.

Je me souviens de Georges Perec, ses cheveux comme un arbre, son sourire doux et son chat aussi, et ses mots, je me souviens.


2.

Je me souviens de Michel, le papa de la pub Kinder, toujours sur son échelle et prêt à dégainer son porte-monnaie pour acheter des bombecs.

 

3.

Je me souviens de « La famille Doucœur, c'est la famille du bonheur. Maman est jolie, papa est gentil, les bébés sont heureux ! »

 

4.

Je me souviens de « En ce moment sur France Info, il y a l'info qu'il vous faut ».

 

5.

Je me souviens d'une paire de chaussures suspendue par les lacets, accrochée à des fils électriques au milieu d'un carrefour…

 

6.

Je me souviens de « Et c'est tant mieux parce que je ferais pas ça tous les jours ! »

 

7.

Je me souviens de « Ta mère c'est Sim avec des boucles d'oreille. »

 

8.

Je me souviens, gamine, j'allais me baigner sur les plages de Bretagne. Je me souviens, on disait : y'a pas foule à Penfoul.

 

9.

Je me souviens des appareils photos qui faisaient VRAIMENT « clic clac ».

 

10.

Je me souviens de « Sénèque est too much, Sénèque est trop, Sénèque est too much, too much, trop trop trop. »

 

11.

Je me souviens d'avoir lu à dix ans « Histoire de fous, de clous, de sous et tout… » et « La nausée » la même journée. Je déconseille le second.

 

12.

Je me souviens d'avoir rêvé d'inventer un remède contre la mort. Comme tous les enfants…

 

13.

Je me souviens des allumettes géantes sur le bord des routes, j'avais peur qu'elles allument un feu de dieu, je me souviens…

 

14.

Je me souviens d'avoir pensé qu'une tour aussi immense aussi solide ne pouvait pas s'effondrer. Et puis deux…

 

15.

Je me souviens d'avoir eu envie d'assassiner l'ami Ricorée avec sa sale petite gueule de gendre idéal.

 

16.

Je me souviens de chaque mot que tu n'as pas dit.

 

17.

Je me souviens d'avoir ramené d'une étape du Tour une capote et une casquette marqués F.O. Je me souviens de Don Patillo dans la 2CV rose.

 

18.

Je me souviens de me souvenir. Tout le temps.

 

19.

Je me souviens du coup de tête de Zidane en finale de la Coupe du Monde 2006, la stupéfaction, le monde figé soudain.

 

20.

Je me souviens, je dansais, il n’y avait pas un bruit dans l'église vide, j'avais enlevé mes souliers... Mes pieds nus comme le silence…

 

21.

Je me souviens de « Allô ! Qui va là j'te prie ? » quand les parents dormaient, la radio sous l'oreiller, j'écoutais Maurice en cachette...

 

22.

Je me souviens quand on se foutait de l'actu, du nombre d'abonnés, d'être RT ou pas. Ça s'appelait Twitter…

 

23.

Je me souviens d'une nuit d'inondations, de trains arrêtés, de pianos silencieux dans les gares, et les gens figés, hagards, sur le quai.

 

24.

Je me souviens de l'incompréhension sur le visage de mon grand-père et de Gainsbourg brûlant un billet de 500 francs, en direct à la télé.

 

25.

Je me souviens d'avoir visité le palais de Dolmabahçe et les horloges arrêtées en plein vol sur l'heure exacte de la mort d'Atatürk. 9h05.

 

26.

Je me souviens de « Comment appelle-t-on deux éthiopiens dans un sac de couchage ? »

 

27.

Je me souviens de « B E, deux N, Y B, mon nom à moi c'est Benny Bi oui tu l'as deviné. »

 

28.

Je me souviens de la canicule de 2003, chaque jour amenait son nouveau lot de vieux qui mouraient, mon bébé dans l'évier, je me souviens…

 

29.

Je me souviens de la piscine Tournesol et de ce tout jeune homme, mort de honte, qui cachait maladroitement son érection de ses deux mains…

 

30.

Je me souviens de mon premier slow, j'étais amoureuse, il avait perdu un pari, danser avec moi c'était son gage, je ne l'ai su qu'après…

 

31.

Je me souviens d'avoir sniffé du Tang avec une paille, pour savoir ce que ressentent ceux qui sniffent de la coke. Ben ça pique à mort.

 

32.

Je me souviens du premier paquet de Frizzy Pazzy, c'était comme un feu d'artifice dans la bouche.

 

33.

Je me souviens des voyages dans la R12, on n'avait pas de ceintures, les parents fumaient, on savait pas qu'on pouvait mourir, c'était doux…

 

34.

Je me souviens du juke box du café du lycée, je me souviens de C17, y'avait les Cure qui chantaient et le temps s'arrêtait.

 

35.

Je me souviens de « T’as ton tann’s ! T’as ton tann’s ! T’as ton tann’s ! T’aaaaaaaaas toooooooooooooooooooon taaaaaaaaaaann’s ! »

 

36.

Je me souviens de John McEnroe cassant sa raquette, je me souviens de Chang faisant son service à la cuiller sous les yeux médusés de Lendl…

 

37.

Je me souviens de « Onze, onze, pour une coupe, à taper dans le ballon, pour être des champions, onze, onze, nous sommes onze… »

 

38.

Je me souviens de « Gentil petit Demetan tu n’as pas de chance » et en effet putain, pauvre grenouille, rien que sa gueule te faisait chialer.

 

39.

Je me souviens des mecs qui se mettaient du Pento dans les cheveux, t'avais l'impression qu'ils avaient étalé de la mayonnaise sur leur tête…

 

40.

Je me souviens de m'être brûlé les doigts et la langue tellement c'était difficile d'attendre pour croquer dans la gosette de Quick.

 

41.

Je me souviens de la machine à polycopiés, la manivelle que la maîtresse tournait et l'odeur entêtante de l'alcool de l'encre violette.

 

42.

Je me souviens de ces « puces » ventouses qu'on retournait et qui sautaient, de cet enfant qui en avait posé une sur son œil et l'avait perdu.

 

43.

Je me souviens de la machine à transformer les pommes de terre en frites, achetée sur un marché, jamais utilisée. Mais belle !

 

44.

Je me souviens des bandes magnétiques sur le bord des routes, je me demandais qui pouvait être assez con pour balancer ses cassettes…

 

45.

Je me souviens de l'explosion de Challenger, on n'y croyait pas, on espérait que c'était un feu d'artifice ou quelque chose pour faire joli…

 

46.

Je me souviens du désodorisant Feu Orange accroché au rétro de la voiture, plus on perçait de petits trous dans la capsule plus ça sentait.

 

47.

Je me souviens des bagues qui changeaient de couleur en fonction de ton stress ou de ton calme supposés, de bleu relax à noir super stressé.

 

48.

Je me souviens d'avoir pensé qu'un seul bol de riz pour toute l'Ethiopie, même si les enfants ne mangeaient pas beaucoup, ce serait jamais assez.

 

49.

Je me souviens d'avoir chialé parce que personne ne voulait des autocollants au profit de l'école publique que la maîtresse nous faisait vendre.

 

50.

Je me souviens de la tête incrédule de ma grand-mère la première fois qu'elle a vu Boy George à la télé.

 

51.

Je me souviens de l'odeur de moisi quand on ouvrait nos vieux K-Way, on disait « c'est mieux qu'un parapluie » mais c'était pas mieux.

 

52.

Je me souviens des tirettes à la fête foraine, les petits paquets cartonnés sur lesquels était inscrit « Plaisir d'offrir, joie de recevoir. »

 

53.

Je me souviens d'avoir tenté en vain de regarder le film porno de canal avec une passoire pour enlever le cryptage.

 

54.

Je me souviens de mon père aux doigts immenses qui utilisait un stylo pour pouvoir composer un numéro sur le cadran cerclé du téléphone.


55.

Je me souviens de mon premier mange-disque, orange, et d'avoir voulu créer un club pour défendre toutes les faces B oubliées.

 

56.

Je me souviens d'avoir regardé le pompiste faire le plein, ça avait l'air dangereux, j'aurais jamais cru qu'un jour je le ferais moi-même.

 

57.

Je me souviens de mon premier baiser, d'une langue agressive au goût de tabac, de m'être demandé si ça allait durer encore longtemps ou pas.

 

58.

Je me souviens de celles qui s'habillaient chez Benetton, on les regardait dans nos fringues qu'on trouvait miteuses, on crevait de jalousie.

 

59.

Je me souviens des Royal menthol et des Royal anis, à 10 francs le paquet, c'était moins dégueulasse que les Camel mais à peine…

 

60.

Je me souviens des choubidous, ces longs cordons de téléphone avec un mousqueton au bout, ça ne servait à rien mais on pouvait frimer avec.

 

61.

Je me souviens de la première fois où j'ai touché un mort, avec mes doigts et puis ma joue, je préfère les vivants, définitivement.

 

62.

Je me souviens des premières règles d'Annie, dans la cour du collège, son pantalon tout blanc et la honte plus rouge encore sur son visage.

 

63.

Je me souviens des rubans hideux avec les mouches collées dessus, pas toutes mortes encore, le bruit qu'elles faisaient dans l'été...

 

64.

Je me souviens du bruit que faisait le parcmètre quand on mettait une pièce dedans et que la petite aiguille remontait soudain.

 

65.

Je me souviens de Sidney, il s'appelait Patrick en fait, et n'était pas du tout australien, je pigeais pas son « à chiper, à choper »…

 

66.

Je me souviens de la première fois où j'ai utilisé le tapis roulant du métro Montparnasse, les gens marchaient, je comprenais pas pourquoi.

 

67.

Je me souviens de ce jeune homme qui s'était levé soudain et avait lu du Sartre à voix haute dans un MacDo. Les gens avaient buggé.

 

68.

Je me souviens quand le disque était fini ça faisait comme le bruit de l'oiseau qui se cogne à la vitre et recommence, encore, à l'infini…

 

69.

Je me souviens des cours d'allemand, « Das telephon klingelt ! » disait la prof, j'avais envie de mourir tellement je trouvais ça hideux.

 

70.

Je me souviens de « Mais si t'as peur de nos silences, reprends ta latitude, il est minuit sur ma fréquence et j'ai mal aux... globules… »

 

71.

Je me souviens de la gourmette en argent au poignet de Thierry, j'avais lu, gravé dessus, Isabelle, je n'étais pas faite pour les chiens.

 

72.

Je me souviens de 1992, il y avait tellement de femmes qui portaient le parfum « Angel » que si jamais tu pétais, personne ne le remarquait.

 

73.

Je me souviens du type qui débarque dans ce dernier métro, les yeux comme des boussoles affolées, et qui crie : « Michael Jackson est mort ! »

 

74.

Je me souviens du vieux monsieur barbu qui était à toutes les manifs où j'allais, à chaque fois je le rencontrais sur son vélo multicolore.

 

75.

Je me souviens, juste après l'attentat du RER B, à Port Royal, on avait peur d'exploser comme ça, pour rien, on matait tous les sacs...

 

76.

Je me souviens de « Tout à coup un inconnu vous offre des fleurs, ça, c'est l'effet magique d'Impulse » et de « Fun my baby je t'aime taaant ! »

 

77.

Je me souviens de la voix de Maitre Capello dans les petits trous du haut-parleur de la dictée magique «Errrrrrrreur ! Rrrrrrrrrecommence ! »

 

78.

Je me souviens du sable que l'on faisait glisser entre nos doigts, les coquillages grattés tout doucement avec l'ongle, accordéons de poche…

 

79.

Je me souviens des battements du cœur de l'enfant à venir, cette forme étonnante, mystérieuse, incompréhensible à l'écran noir et blanc…

 

80.

Je me souviens de la dernière arrivée du France sur la plage du Havre, l'émotion de la foule silencieuse dans le petit matin, la fierté.

 

81.

Je me souviens des lunettes à la con pour voir l'éclipse de 1999, on n’avait l'air de rien mais putain qu'est-ce que c'était beau...

 

 

82.

Je me souviens des billets que ma grand-mère me donnait, en cachette, elle me pinçait le bras très fort et ajoutait : ne dis rien à Nonno !

 

83.

Je me souviens de « Devaquet si tu savais, ta réforme, ta réforme…Devaquet, si tu savais, ta réforme où on s'la met ! »

 

84.

Je me souviens de « Tu sais porter une gare ? 2 gares ? 3 gares ? 4 gares ? 5 gares ? Cigare ? hihihi ! » et sinon, tu sais porter un tronc ?

 

85.

Je me souviens de « Ouvre la boîte, prends le couteau, tue-toi, remets le couteau, ben tu peux pas t'es mort ! »

 

86.

Je me souviens de l'arrivée de la gauche en 81, les gens affolés « Les communistes arrivent on va tous mourir ! », et ceux qui espéraient…

 

87.

Je me souviens de l'infirmière du lycée qui n'avait à sa disposition qu'une boite d'aspirine quel que soit le symptôme. La boîte était vide.

 

88.

Je me souviens de la honte d'aller à la pharmacie pour acheter une pilule du lendemain et les regards réprobateurs des gens « respectables ».

 

89.

Je me souviens des sachets de thé qu'on accrochait au ventilateur, on les regardait voler dans la chaleur de l'été…

 

90.

Je me souviens du Bi-Bop, des autocollants pour marquer les bornes et des premiers portables impossibles à perdre dans un sac à mains.

 

91.

Je me souviens des premiers mails et des chaînes qu'il ne fallait surtout pas briser sinon il ne t'arrivait que d'affreux malheurs !

 

92.

Je me souviens des lettres que l'on écrivait à la main de sa plus belle écriture, des « Petit facteur presse-toi car l'amitié n'attend pas ! »

 

93.

Je me souviens d'être tombée sur le film érotique de M6, une oie regardait un couple par la fenêtre, crise de fou rire avec mon frangin.

 

94.

Je me souviens on jouait à faire les morts, on courait puis on tombait au ralenti, ne surtout pas bouger, et on se relevait, encore…

 

95.

Je me souviens des mouches mortes qu'on déposait dans le verre du curé, juste avant la messe, on attendait qu'il boive le sang du christ.

 

96.

Je me souviens du chirurgien qui a recousu joyeusement mon ventre en chantant « à nos actes manqués. »

 

97.

Je me souviens de la main jaune « Touche pas à mon pote » qu'on épinglait fièrement au blouson, on était tellement naïfs…

 

98.

Je me souviens des cabines téléphoniques, ça sentait souvent la pisse et le tabac froid, les piles de pièces, la peur que ça coupe soudain.

 

99.

Je me souviens, ton dessin n'était pas beau, la maîtresse l'avait accroché dans ton dos, fallait défiler après, avec le bonnet d'âne…

 

100.

Je me souviens, posés sur la tombe, naître, enfanter et puis mourir, tes trois petits cailloux…

 

101.

Je me souviens de la mort de Pierre Bérégovoy comme de la mort d'un ami de longue date…

 

102.

Je me souviens de « Elle a les yeux camembert, elle a le regard qui pue » et de « L'araignée, l'araignée, a glissé sur une peau de banane. »

 

103.

Je me souviens du Malibu, du Soho et des Kir Pêche, j'aimais pas tellement ça mais je faisais semblant d'adorer, pour m'intégrer.

 

104.

Je me souviens d'avoir parlé à des inconnus, la nuit, au minitel, un peu comme Twitter mais fallait attendre dix minutes avant d'avoir la réponse.

 

105.

Je me souviens de mes premières règles, de la gifle, du « tu es une femme maintenant » et de la certitude cruelle que mon enfance était finie.

 

106.

Je me souviens des cendriers dans les trains, parfaits, lisses, brillants, froids, le bruit du clapet, net, presque aussi beaux que les CD.

 

107.

Je me souviens d'une petite fille contre mon sein, d'un petit homme qui cherche ma main, je me souviens d'eux à l'intérieur de moi.

 

108.

Je me souviens du poulet grillé que papa allait chercher au marché tous les dimanche midi et de l'odeur de la friteuse dans la maison.

 

109.

Je me souviens des heures passées à enregistrer la radio dans l'espoir irréaliste de faire LA compilation parfaite de nos morceaux préférés.

 

110.

Je me souviens d'avoir voyagé dans des trains qui faisaient takat toukoum, takat toukoum, takat toukoum, takat toukoum, takat toukoum…

 

111.

Je me souviens du poster dédicacé de Patrick Roy dans la cuisine de ma grand-mère.

 

112.

Je me souviens des VHS achetées en solde, t'avais le début d'un porno puis une heure d'Alain Decaux qui te racontait La légende de Mandrin.

 

113.

Je me souviens de ces saloperies de vendeurs d'encyclopédie qui réussissaient TOUJOURS à te fourguer un truc en 100 volumes minimum.

 

114.

Je me souviens de la tournée des voisins le 1er janvier, les bisous des vieux qui piquaient et la peur de devoir manger des boules crème.

 

115.

Je me souviens de la table en formica jaune, du bol de soupe, du pain beurré et « Des chiffres et des lettres » sur l'écran.

 

116.

Je me souviens de la porte de la salle de bains et je revois distinctement la poignée, la ficelle et ma dent de lait qui vole dans les airs.

 

117.

Je me souviens des biscottes « à la Nutella » et des boîtes de lait Gloria, la main de ma grand-mère qui s’applique à faire deux trous dedans.

 

118.

Je me souviens de la boîte en bois avec plein de compartiments près de la machine à coudre, les milliers de boutons de toutes les couleurs !

 

119.

Je me souviens des profs qui annonçaient à voix haute les notes par ordre décroissant de « mérite », l'humiliation à portée des petits chefs.

 

120.

Je me souviens des autocollants « Les routiers sont sympas », à chaque fois que je voyais un routier je me demandais pourquoi il était sympa…

 

121.

Je me souviens du cinéma Le Grand Pavois, j'y suis allée tous les jeudis pendant deux ans pour « entendre » The Wall en son Dolby.

 

122.

Je me souviens du tag FLB (Front de Libération de la Bretagne) peint sur un pont au-dessus de la quatre voies entre Rennes et Nantes.

 

123.

Je me souviens de la balsamine, quand elle était bien mûre, on touchait la capsule et on regardait les graines voler en mille éclats.

 

124.

Je me souviens des filtres de clopes qu'on roulait entre les doigts jusqu'à ce qu'apparaisse la première lettre du prénom de notre futur amour.

 

125.

Je me souviens du vieux bus rouge près de la plage de Saint Coulomb, on allait y chercher des glaces et des crêpes, après la baignade.

 

126.

Je me souviens du mercredi, j'allais manger chez Mamie, après le café elle mettait la télé en marche et « Les feux de l’amour » commençaient…

 

127.

Je me souviens de cette dame qui expliquait que, petite, son père l'avait sauvée de la mort en posant sur son torse un chat à peine mort.

 

128.

Je me souviens d'avoir lu sur la vieille carte de séjour « R-ITAL » et d'avoir compris, longtemps après, que ça signifiait « Réfugié Italien ».

 

129.

Je me souviens des crucifix au-dessus de chaque lit, du papier peint aux fleurs défraîchies et des assiettes sur le mur au lieu de la table.

 

130.

Je me souviens de l'émission où fallait que tu mettes des petites cuillers devant ton écran et le monsieur dans la télé allait les tordre.

 

131.

Je me souviens de cette saloperie de coupe au bol et de ma frange, toujours ratée, parce que je bougeais et que je râlais.

 

132.

Je me souviens quand papa nous a demandé de remplir une boîte pour les archéologues du futur et qu'on l'a coulée dans le béton du garage.

 

133.

Je me souviens d'avoir appris en 2008 à la radio que la petite culotte de la reine Victoria avait été vendue aux enchères pour 4500 livres.

 

134.

Je me souviens de la thermos de café, il y avait un tiroir secret dans lequel on pouvait mettre des morceaux de sucre. Ou cacher un trésor.

 

135.

Je me souviens du plafond de la salle 112 tacheté de toutes les boulettes envoyées par des Bics transformés en sarbacanes.

 

136.

Je me souviens des phares jaunes des voitures, comme de petits soleils même dans les nuits les plus sombres, ça disait qu'on était vivants.

 

137.

Je me souviens, on découpait les cartouches d'encre pour récupérer les petites billes qu'on stockait ensuite dans les tubes de colle Uhu.

 

138.

Je me souviens de l'ouvreuse du cinéma des 3 Vikings, de sa voix lasse elle égrainait les « bonbons, chocolats, Miko, caramels » en boucle.

 

139.

Je me souviens de l'élastique, quand t'étais seul tu pouvais quand même jouer, fallait le tendre entre 2 chaises mais c'était moins drôle.

 

140.

Je me souviens des fils tendus entre les doigts, si tu savais faire la tour Eiffel t'étais très fort moi je réussissais surtout à m'emmêler.

 

141.

Je me souviens du tac-tac, ça ressemblait un peu à des cerises, deux boules en plastique et deux fils joints, fallait faire claquer le tout.

 

142.

Je me souviens de la mallette de magie « Amusez vous avec Garcimore »et des petits spectacles qu'on jouait pour amuser les adultes.

 

143.

Je me souviens des cadeaux faits à l'école, le dessous de plat en pinces à linge pour maman et le cendrier avec ton prénom pour papa.

 

144.

Je me souviens des cours d'EMT, du macramé pour les filles et du variateur d'intensité pour les garçons. Je voulais être un garçon.

 

145.

Je me souviens de la bibliothèque municipale et du bruit des coups de tampon sur les fiches en carton quand on empruntait des livres.

 

146.

Je me souviens des « puces d'amour », ces mini-poupées toutes mimi qu'on accrochait à nos barrettes en métal et qu'on fixait dans nos cheveux.

147.

Je me souviens des cartes en plastique pour dessiner les contours de la France, avec des trous pour les villes importantes et les fleuves.

 

148.

Je me souviens d'avoir appris à lire avec « Daniel et Valérie », je les détestais, ils étaient toujours parfaitement parfaits.

 

149.

Je me souviens du mot soleil qu'on écrivait sur la calculatrice et aussi d'avoir retenu que sur la Casio 11794591 fois 3 ça fait « ELLEBESE ».


150.

Je me souviens d'avoir souvent dit, comme maman, « C’est le Delco » d'un air entendu, pour faire croire que j'y connaissais quelque chose en mécanique.

 

151.

Je me souviens d'avoir attendu les cachets comme j'attendais l'hostie, enfant. Comme la télé, comme un miracle. Comme un opium du pauvre.

 

152.

Je me souviens de Lola, Groucha, Micmac, Durallo, les gluons, Brossedur, Léguman, Pubpub et du « ça fait pas un pli » de Maître Duramou.

 

153.

Je me souviens de « Colette, Babeth, Rosette n'avaient pas le cœur en fête, Roger les trouva là, c'était pas, la joie... Créola ! Créola ! »

 

154.

Je me souviens de la parade sauvage Arthur Rimbaud et de m'être arrêtée, clouée, devant John Cale qui chantait « Hallelujah » sur un piano.

 

155.

Je me souviens de « Rue Gama, y'a le boucher tout taché, il lui faut du costaud pour être à nouveau beau, pour partir au boulot… Rue Gamma ! »

 

156.

Je me souviens d'avoir volontairement cassé un Telécran pour voir comment la magie fonctionnait, d'avoir compris et d'avoir été déçue aussi.

157.

Je me souviens des petites crottes de lapin qu'on ramassait puis qu'on mettait dans des boites de Pulmoll pour les proposer aux « amis ».

 

158.

Je me souviens des foutus pulls à col roulé, la tête ne passait jamais, fallait souffrir comme une seconde naissance. Et en plus ça piquait.

 

159.

Je me souviens du ticket de métro jaune avec une ligne marron, fallait faire une jolie petite chemise avec ou un filtre pour les joints.

 

160.

Je me souviens des Bidibules, je croyais qu'ils ne dormaient jamais parce que quand tu les allongeais, ils se remettaient aussitôt debout.

 

161.

Je me souviens des tableaux qu'on créait en faisant passer des fils colorés autour de clous. Le plus souvent, c'était des papillons.

162.

Je me souviens de cette horrible coiffure qui consistait à raser et couper les cheveux des garçons jusqu'à ce qu'ils ressemblent à un gland.

 

163.

Je me souviens de la dame qui rentrait dans son frigo pour se retrouver dans une caverne remplie de glaces… et la voix de Jean Topart…

 

164.

Je me souviens des mini-berlingots, du lait concentré et si sucré qu'il en était écœurant. Mais c'était du lait, donc c’était bon pour la santé…

 

165.

Je me souviens de Télétactica fallait placer des télétacs (ou découper des sacs poubelle si t'étais pauvre) sur ta télé et la magie opérait.

 

166.

Je me souviens d'Elastic Man, tu pouvais lui faire prendre n'importe quelle position y compris, et surtout, les plus ridicules.

167.

Je me souviens du 33 tours de Marillion « Misplaced Childhood » parce que c'était la première fois que je voyais un disque qui n'était pas noir.

 

168.

Je me souviens que quand j'avais de l'encre dans la bouche j'avais souvent la bonne idée de bouffer de l’effaceur. C'est encore plus dégueu.

 

169.

Je me souviens de « Eh bien maintenant Gerflor fait des dalles… et en plus elles sont auto-adhésives… Et hop ! … Et hop ! »


170.

Je me souviens de la transformation tragique des Raiders en Twix, comme si la transformation des Treets en Aimenmaimesseu n'avait pas suffi !


171.

Je me souviens de « Seigneur c'est décidé, finie la gourmandise, j'arrête les pâtes ! /Tu en es sûr Don Patillo ? / Poisson d'avril, Seigneur ! »

 

172.

Je me souviens de la chute du mur de Berlin et de ces gens qui se précipitaient là-bas pour en ramener des « morceaux authentiques du mur ».

 

173.

Je me souviens du Zénith de Thiéfaine on était tous à chialer en répétant « Soleil ! soleil ! N'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ? »


174.

Je me souviens, on s'embrassait comme des poussins, au début, nos bouches picoraient d'autres bouches maladroites. Et le rouge aux joues…

 

175.

Je me souviens des duvets dans lesquels on jouait, le duvet était une baleine, on était pris au piège à l'intérieur, et ça puait des pieds.


176.

Je me souviens des parties de pêche avec mon grand-père, on remettait à l'eau les poissons qu'on avait pris, ça n'avait aucun sens…


177.

Je me souviens de l'époque où on avait des boutons sur la tronche, on disait « Tu ressembles à un tableau de bord de 747 ! »

 

178.

Je me souviens des débuts de Twitter, quand on se foutait bien du nombre de RT ou du nombre d'abonnés, quand on était là pour échanger.


179.

Je me souviens du type le plus cool du collège : il savait jouer « La marche impériale » de Star Wars en pétant. On ne pouvait pas lutter.


180.

Je me souviens des albums de décalcomanies -on disait les décalcos- je revois les petits bonhommes autour de Gulliver et la cape d'Albator.

 

181.

Je me souviens de Fantômette, du club des cinq, d'Alice ou des six compagnons, je me souviens de la bibliothèque rose pour l'avoir dévorée.


182.

Je me souviens encore de la terrible voix qui répétait « ne marche pas, ne marche pas, ne marche pas ! » et de la petite moustache du méchant.


183.

Je me souviens de « Un papillon par-ci par-là dans le vent » et de « Sous ma panoplie de gendarme bat le cœur d'une femme ! »

 

184.

Je me souviens des sept notes qu'il fallait siffler pour appeler à la rescousse les Wattoo Wattoo quand la terre était en danger.


185.

Je me souviens d'avoir appris le mot « tsunami » en 2004, il était répété en boucle à la télé mais ma vieille voisine l'appelait « Le surimi ».


186.

Je me souviens de m'être figée, la foule descendait du métro Réaumur-Sébastopol, et moi, toute étonnée, j'écoutais le chant des grillons…

 

187.

Je me souviens de la première fois où j'ai visité un cimetière, mon étonnement devant ce que je croyais être des maisons sous la terre.


188.

Je me souviens du bruit du modem au début des années 90, t'avais l'impression qu'internet en personne débarquait dans ta maison en grinçant.

 

189.

Je me souviens des traits, sur le sol, fallait pas les toucher, jamais, fallait surtout pas grandir des pieds si tu voulais rester enfant.

 

190.

Je me souviens des passages de frontière, l'été, on était des milliers d'automobilistes à attendre toute la journée sous un soleil de plomb.

 

191.

Je me souviens de la touche « esc » sur mon premier PC, un CPC d'Amstrad, elle était rouge tu pouvais pas la rater. Faut dire qu'elle servait.


192.

Je me souviens du bruit des joysticks quand on jouait à Décathlon, la musique des « Chariots de feu » de Vangelis était très vite inaudible.

 

193.

Je me souviens de la photo volée de Mitterrand sur son lit de mort, de la tristesse, de la colère, aussi, de l'avoir vue sans l'avoir voulu.


194.

Je me souviens de Yeiwéné Yeiwéné a été assassiné assassiné avec un pistolet pistolet.

195.

Je me souviens de « Comanchero, Comanchero, Comanchero, Comanchero, oh ! »

 

196.

Je me souviens de cet homme dans le petit écran, seul, debout, face aux chars de la place Tian’anmen…


197.

Je me souviens de la voix de Jacques Vendroux dans la voiture, mon père arrêtait le moteur pour écouter religieusement, le temps s'arrêtait.

198.

Je me souviens de l'ouverture du Bistro Romain, on allait y manger du carpaccio et de la mousse au chocolat à s'en faire exploser le ventre.

 

199.

Je me souviens des lapins qu'on faisait avec les serviettes de table lors des repas de famille, le graal c'était de faire un soutien-gorge !

 

200.

Je me souviens d'avoir reconnu bien malgré moi Luciano Benetton à chaque fois qu'il demandait « Vous me reconnaissez ? »

 

201.

Je me souviens du matricule 78651, cette saloperie de numéro tatoué sur le bras gauche de Simone Veil…

 

202.

Je me souviens de la première fois où j'ai vu le sexe d'un cheval, j'avais 9 ans, j'ai espéré très fort que celui des hommes soit différent.


203.

Je me souviens des mouchoirs en tissu, ceux qui sentaient bon la soupline et ceux qui sentaient le parfum de maman, aussi…

204.

Je me souviens de « Pousse Mousse, on pousse et ça mousse ! Qu'elle est douce, cette mousse ! c'est bien plus malin pour se laver les mains ! »

 

205.

Je me souviens de l'époque où si on aimait un tweet, il suffisait de le RT.


206.

Je me souviens, si tu voulais sortir avec un garçon, fallait demander à ta copine d'aller lui demander s'il voulait bien « marcher » avec toi.

 

207.

Je me souviens de ceux qui avalaient les petits mots qu'on se faisait passer en classe juste avant que le prof ne s'en empare pour les lire.

 

208.

Je me souviens des premiers Blanco, on n'avait pas l'habitude et on mâchouillait le bout comme un stylo, c'était pas du tout une bonne idée…

 

209.

Je me souviens, on soufflait comme des cons dans les cartouches et on croyait dur comme fer que ça finirait par relancer la Game Boy.

 

210.

Je me souviens du verlan, on réinventait le français, on le faisait nôtre, comme un code secret que les vieux ne pourraient pas comprendre.

 

211.

Je me souviens des soirées diapo, assise par terre je me fichais de l'écran, je regardais la poussière voler dans le faisceau du projecteur.

 

212.

Je me souviens des films 8mm, les souvenirs étrangement muets, le mariage des parents - les vieux avaient donc été jeunes - et Popeye aussi.

 

213.

Je me souviens je m'enfermais dans les toilettes, à l'abri de la lumière, pour positionner, à l'aveugle, la pellicule dans l'appareil photo.

 

214.

Je me souviens de la première fois où j'ai senti cette odeur de fraise étrange dans le métro, ça cadrait pas avec le paysage je pigeais pas.

 

215.

Je me souviens de la brosse à ongles sur le rebord du lavabo, fallait frotter jusqu'à s'en faire mal et cette foutue crasse qui partait pas…

 

216.

Je me souviens des patins sur lesquels on posait les pieds pour progresser sur le plancher ciré, façon homme qui valait trois milliards.

 

217.

Je me souviens du chant du rémouleur qui remplissait la rue de son « Couteauux ! Rémouleur, rémouleur, repasse couteauux, repasse ciseauux ! »

 

218.

Je me souviens d'avoir tendu un rouleau de réglisse à une vache pour tester scientifiquement si elle était folle ou pas. Elle l'était.

 

219.

Je me souviens d'avoir assisté à un match de ping-pong entre Messieurs Despois et Launay, j'étais la seule à rire de la réunion des 2 noms.

 

220.

Je me souviens du jour où mon grand-père a retrouvé, parmi les pommes de terre du jardin, la bague qu'une pie m'avait volée, 10 ans avant.


221.

Je me souviens, en géographie, fallait trouver une ville sur une carte vierge de l'URSS, j'avais répondu Kousbass sur l'air de « Who's bad ».


222.

Je me souviens de la saloperie de petite voiture qui chantait à tue-tête ‘Ah tut tut pouet pouet la voilà, la Totomobile ! »

 

223.

Je me souviens des retours de plage, l'odeur de biafine, le sable dans les chaussures jusqu'à longtemps, après, en cadeau souvenir…


224.

Je me souviens de la cuiller à soupe d'huile de foie de morue et du carré de chocolat, juste après, pour faire passer l'horrible goût.


225.

Je me souviens du vieux piano dans la maison de vacances pour le petit peuple, à Saint-Pair-Sur-Mer, personne ne jouait jamais dessus.

 

226.

Je me souviens de ma première couette, c'était la révolution, ça devenait soudain si facile de faire le lit ! La putain de belle invention !


227.

Je me souviens du bruit de la disquette de boot, comme l'impression d'un combat quand ton PC allait extraire les infos avec ses petits bras.


228.

Je me souviens du test de grossesse de la pharmacie qui vendait des clopes, au Mexique. Et de revenir en France avec un passager clandestin.

 

229.

Je me souviens de l'enterrement du hérisson, au bout du chemin, on l'avait mis dans une boîte en fer et placé sous la plus grosse pierre.


230.

Je me souviens de ce train de nuit bloqué par la neige peu après Toulouse, à causer dans le wagon avec deux chinois jusqu'au soleil levant…


231.

Je me souviens de ma première cuite, j'avais bu la bouteille d'alcool de Ricqlès, ça tapait bien plus que les trois gouttes sur un sucre…

 

232.

Je me souviens de Jet Set Willy, des lames de rasoir, des crânes, des pieds, des cochons volants et de la grosse dame jamais contente…

233.

Je me souviens de l'appareil argentique, trouvé dans les jardins du musée, on avait pris nos culs en photo, avant de le déposer à l'accueil.


234.

Je me souviens des premiers temps où l'ordinateur est arrivé à la maison, papa imprimait les mails, TOUS, on en a encore des cartons pleins.

 

235.

Je me souviens de ces potes qui te taxaient le papier alu de tes paquets de clopes parce que les pharmacies les rachetaient. Alors que non…


236.

Je me souviens d'avoir utilisé un crayon noir pour dessiner la couture du collant sur mes jambes nues…


237.

Je me souviens, juste après la pluie, on allait ramasser les escargots, nos doigts pleins de bave, c'était délicieusement immonde.

238.

Je me souviens de la dernière fois où j'ai fêté mon anniversaire comme si c'était aujourd'hui…


239.

Je me souviens du poirier sur la colline, derrière ma fenêtre, il n'y est plus depuis longtemps, j'y pense pourtant, encore. Il me manque.


240.

Je me souviens de la balle qui avait failli tuer ma grand-mère, au-dessus de la cheminée, elle brillait, à quoi ça tient, le destin, putain…

 

241.

Je me souviens, t'avais voulu me faire visiter ta maison, une seule pièce avec un lit, un évier, au sol une bouteille de vin et l'accordéon…


242.

Je me souviens des lettres rangées sous les chemises de nuit en dentelle dans la grande armoire en bois, les mots sentaient la naphtaline…


243.

Je me souviens des nuits d'orage, j'étais persuadée que j'allais mourir alors j'allais réveiller mes parents pour leur dire adieu.

 

244.

Je me souviens de t'avoir dit « je t'aime », chaque nuit, juste avant que tu ne t'endormes, au cas où l'un de nous mourrait dans son sommeil…


245.

Je me souviens, la tête contre le hublot, je pleurais parce qu'on avait traversé les nuages, ça tenait pas, je pourrais jamais tenir dessus…


246.

Je me souviens, quand on allait aux toilettes, on lisait tout ce qui était imprimé sur les emballages du PQ, les désodorisants, la Javel…

247.

Je me souviens des rideaux qui « séparaient » les zones fumeur des zones non fumeur, l'absurdité administrative dans toute sa splendeur…


248.

Je me souviens de l'époque où, quand tu te posais une question tu allais te perdre dans les pages du Quid, ça semble dingue aujourd'hui…


249.

Je me souviens de la coupe au bol, si t'en avais pas tu te retrouvais avec une frange avec des trous et, à force d'égaliser pour rattraper…

 

250.

Je me souviens du Rubik's cube pour les nuls, il avait bien six faces, 54 dés, mais une seule couleur. Probablement l'invention du siècle.


251.

Je me souviens des autocollants « Ma Toyota est fantastique » sur la vitre arrière des voitures, moi j'avais une R12, pas trop fantastique.


252.

Je me souviens de l'essoreuse à salade comme l'une des inventions les plus extraordinaires de l'univers connu avec le coupe-frites et le CD.

253.

Je me souviens des routes bordées de vert, les cartes qu'on dépliait comme un accordéon, quand on avait encore le temps de se perdre…

 

254.

Je me souviens du bruit du briquet dans la voiture, ma mère ouvrait la fenêtre et fumait, on n'avait pas peur du cancer, je me souviens…

 

255.

Je me souviens quand Fatima tournait en rond dans la maison traquant des traces de sang au sol. Traces de son propre sang. Tournait en rond.

 

256.

Je me souviens de l'odeur de la naphtaline et de l'armoire en bois sur le haut de laquelle les cadeaux de noël étaient toujours cachés.

 

257.

Je me souviens d'avoir chialé, la première nuit à Istanbul, en entendant l'appel du muezzin. Soudain, j'avais retrouvé mon enfance.

 

258.

Je me souviens du papier sur lequel était écrit « gné », tu demandais ce que c'était et on te répondait « un autographe de Gilbert Montagné! »

 

259.

Je me souviens du chien de Barbara, elle l'avait confié à ma voisine, quand elle passait à la télé on entendait son chien hurler à la mort.

 

260.

Je me souviens du carton qu'on coinçait avec une pince à linge sur la roue du vélo pour imiter le bruit d'une moto et faire chier les vieux.

 

261.

Je me souviens des pâtes alphabet des dimanches soir d'hiver, avec la cuiller tu traquais la soupe pour trouver de quoi faire prout ou zizi.

 

262.

Je me souviens du jour où, dans un train fumeur, Manu Dibango m'a offert une clope en souvenir de mon père qui l'avait dépanné 20 ans avant.

 

263.

Je me souviens du moment où on s'est tous mis à différencier aspirine et paracétamol, c'était pas du tout pareil, fallait pas te gourer.

 

264.

Je me souviens de m'être entraînée jusqu'à obtenir la parfaite imitation de la signature de ma mère, au cas où tu sais, ça peut servir…

 

265.

Je me souviens des nuits où je réinventais la carte du ciel en reliant, un à un, tous les points du chemin secret de tes grains de beauté…

 

266.

Je me souviens de « Je ronronne pour Toblerone. »

 

267.

Je me souviens de l'époque où l'on n'avait que 140 caractères, j'aimais faire des phrases qui en contenaient 140 EXACTEMENT, je me souviens.

 

268.

Je me souviens de la tombe d'André Breton, cimetière des Batignolles, je revois la dalle grise et l'inscription gravée: « Je cherche l'or du temps. »

 

269.

Je me souviens des feux tricolores du grand boulevard, quelqu'un avait dessiné un smiley triste sur le feu rouge, et un smiley content sur le feu vert.

 

270.

Je me souviens de l'odeur des combinés de téléphone, plastique et crasse mélangés, derrière les petits trous devait y avoir des monstres affamés.

 

271.

Je me souviens d'Annie Pujol, imperturbable, elle tournait consciencieusement les lettres de la Roue de la Fortune, on ne savait pas trop s'il fallait rire ou pleurer…

 

272.

Je me souviens des énormes sacoches sur le vélo de ma grand-mère, on allait faire les courses à « Ounico » et fallait tout faire rentrer dedans.

 

273.

Je me souviens du répertoire téléphonique avec son curseur en métal, et tous ces numéros oubliés, griffonnés à la main au stylo bic…

274.

Je me souviens du 14 juillet 2000, de cette nappe en papier Vichy de plus de 600 km qui courait le long de la méridienne, de cet incroyable pique-nique…

 

275.

Je me souviens de ma copine de classe, toute fière de ses nouveaux cheveux courts, dépitée soudain, lors du premier contrôle, de ne plus pouvoir tricher sans être repérée.

 

276.

Je me souviens d'avoir dansé, seule dans le silence de ma chambre d'enfant, une valse qui n'existait pas aux bras d'un prince qui n'existait pas non plus.

 

277.

Je me souviens de cette coiffeuse qui aimait répéter que j'avais une coiffure avec effet « coiffé/décoiffé » alors que c'était surtout PAS coiffé. Du tout.

 

278.

Je me souviens des mots en rouge dans la marge, c'était jamais assez, c'était jamais parfait.


279.

Je me souviens du bruit de la mer, je l'avais enregistré sur cassette, capturés le sac le ressac les mouettes l'effervescence des petits cailloux futurs grains de sable.

 

280.

Je me souviens de cet homme qui ne pouvait pas s'endormir sans entendre le bruit du sèche-cheveux, comme un rituel, il voulait une maman, je me souviens…

 

281.

Je me souviens du jour où papa a enterré le chat, comme en cachette.


282.

Je me souviens de ce petit bonhomme qui écoutait le cœur des roses avec son stéthoscope.

 

 

283.

Je me souviens, encore, toujours, de chaque mot que tu n'as pas dit.


284.

Je me souviens de la porte d'entrée qui s'ouvre sur ton visage rieur, je ne t'avais jamais vue et je te connaissais pourtant. Par cœur.


285.

Je me souviens des 4 chaises vides dans la classe de ma fille.


286.

Je me souviens des huit couchés que je dessinais sur ton dos pour t'endormir, te dire en braille je t'aime à l'infini…


287.

Je me souviens de la plume noire que tu m'as donnée lors de notre premier rendez-vous.


288.

Je me souviens du café au goût amer, tu disais qu'il fallait trois pierres de sucre pour chasser l'amertume, c'était imbuvable mais je le buvais quand même.

 

289.

Je me souviens de l'escalier jusqu'au septième étage, il n'en finissait jamais je me disais « C'est pas juste ! » A chaque marche.


290.

Je me souviens de ma grand-mère, son sourire derrière la vitre de la cuisine, son odeur de pomme que je promenais avec moi, longtemps.

 

291.

Je me souviens de ma première fois, la radio chantait « I am the eye in the sky, looking at you hou hou”, je croyais que dieu me regardait.

 

292.

Je me souviens des mangues du Cameroun, elles avaient un goût d'essence, je ne sais pas comment je le savais, je n'ai jamais bu d'essence…

 

293.

Je me souviens du dos d'âne sur la route pour aller au Mont-Saint-Michel, la route filait droit vers le ciel et, l'espace d'un instant, la voiture volait.

 

294.

Je me souviens du “je me souviens” n° 63 de Perec, “Je me souviens de "Dop Dop Dop, adoptez le shampoing Dop.”

 

295.

Je me souviens des doigts de Julidé sur le clavier, c'est la nuit le thé fume et le flot des voitures coule le long du canal…

 

296.

Je me souviens des chaussettes dans les tongs, je voulais garder le souvenir de l'été à mes pieds.

 

297.

Je me souviens des coquelicots sur le bord de la route du retour, taches rouges sur fond de liberté, c'était toujours trop court les vacances.

 

298.

Je me souviens des Bronzés font du ski, tous les ans, à la télé, si tu trouvais ça pas drôle on te casait dans le clan des snobs.

 

299.

Je me souviens des épisodes de Lost, à chaque fois tu restais sur ta faim et tu trépignais de devoir attendre la semaine suivante pour avoir la suite.

 

300.

Je me souviens d'avoir chanté “Et l'on s'aimera encore, lorsque l'amour, ce rat mort.”

 

301.

Je me souviens des poids que l'on mettait sur la pâte pour qu'elle cuise à blanc, on faisait toujours la même blague, celle de la tarte aux haricots secs.

 

302.

Je me souviens de ta langue dans ma bouche et de la peur de te mordre de t'avaler te dévorer.

 

303.

Je me souviens de la tortue dans le jardin, elle avait un nom, elle s'appelait Rosalie, un jour elle a creusé un trou, s'est enfouie sous la terre, je ne l'ai plus jamais revue.

 

304.

Je me souviens du papa de Sophia, il nous offrait des beignets, on avait les doigts gras, on les essuyait sur les sièges de sa voiture.

 

305.

Je me souviens des fils tissés patiemment, le bracelet au poignet que tu ne dois jamais enlever pour ne pas briser ton vœu, il était tellement sale à la fin…

 

306.

Je me souviens des parties de Monopoly on se traitait de capitalistes et on ne voulait jamais être le banquier.

 

307.

Je me souviens des bigoudis et du casque chauffant de la coiffeuse, ses mains comme des papillons, le doux babil et les rires des dames, le ronron du bonheur.

 

308.

Je me souviens des pâtissons à la vinaigrette, on n'aimait pas ça mais le nom était tellement beau... 

 

309.

Je me souviens d'avoir roulé dans la nuit jusqu’à Baden-Baden juste pour y écrire une carte postale-carte postale.

 

310.

Je me souviens de cette jeune fille qui débutait comme serveuse dans un restaurant guindé, elle avait fait tomber un verre et ne s'arrêtait pas de pleurer.

 

311.

Je me souviens de "Ô sombreros de la mer qui ont su traverser les océans du vide."

 

312.

Je me souviens des écharpes en laine, ça piquait le cou puis ça piquait les joues, on s'en débarrassait dès que maman ne nous regardait plus.

 

313.

Je me souviens de l'igloo qu'on avait construit, il faisait encore plus froid dedans que dehors, on se disait qu'ils étaient cons les esquimaux. 

 

314.

Je me souviens du tronc de l'arbre sur lequel Thierry avait gravé des initiales entourées d'un cœur, c'était pas les miennes.

 

315.

Je me souviens du mec qui crachait dans son Yop.

 

316.

Je me souviens des patins à roulettes, tout le monde avait des rollers et moi j'avais surtout honte.

 

317.

Je me souviens de "Il faut bien admettre qu'exceptionnellement, Dieu n'est pas avec nous ! Mais il ne sera pas dit que nous avons sorti le matériel pour rien !"

 

318.

Je me souviens de la gyneco, ouvrant son agenda : Le jeudi premier juin 2006, à 8 heures 30, ça vous irait pour l'accouchement ?"

 

319.

Je me souviens de "C'est un cadeau je vous l'emballe ?" "Non, ma femme attend dans la voiture !"

 

320.

Je me souviens de cette année où tous les petits garçons s'appelaient Mathys, je disais "ils sont fous d'appeler leur gosse comme ça, ils vont avoir un petit fauve", je riais seule, souvent.

 

321.

Je me souviens de tes mots, notre fille avait trois jours, "Et dire qu'elle ne sera jamais aussi petite qu'aujourd'hui…"

 

322.

Je me souviens des cartes Pokémon au bureau de tabac, de ces petites mains qui déchirent le papier brillant dans l'espoir de tomber sur la carte rare.

 

323.

Je me souviens des lettres blanches peintes sur le goudron par une main hâtive "VIRENQUE CHAMPION / ALLEZ FIGNON / ISABELLE JE T'AIME / VIVE LE BLAIREAU"

 

324.

Je me souviens du temps où je disais "Si je meurs" sans réaliser qu'un jour je mourrai "pour de vrai".

325.

Je me souviens de tous ces gens pris de passion pour un tout petit ballon de rien du tout qui faisait des allers-retours sur une immense pelouse verte.

 

326.

Je me souviens de cet homme qui m'envoyait des photos d'un arbre, une fois par mois, c'était toujours le même arbre, je me demande s'il vit toujours là-bas, sous le soleil de Valparaiso. 

 

327.

Je me souviens du nez du docteur Maboul.

 

328.

Je me souviens de cette carte musicale qui était tombée derrière la cloison de bois, de la saloperie de pile qui voulait pas crever et de “joyeux anniversaire,” en boucle, à devenir cinglé.

 

329.

Je me souviens d'avoir été emprisonnée enfant dans un corps de femme bien trop grand pour moi.

 

330.

Je me souviens de tous ces trains ratés, à la dernière seconde, parce que mes pieds refusaient soudain d'aller plus loin.

331.

Je me souviens des vélos qu'on louait pour faire le tour de l'île.

 

332.

Je me souviens de l'odeur suave des genêts qui me réveillait dans la voiture et annonçait la mer bien avant qu'on ne la voie.

 

333.

Je me souviens des boutons d'or qu'on plaçait sous le menton pour savoir si on aimait le beurre, on aimait toujours le beurre sauf quand le temps était trop gris.

 

334.

Je me souviens des oiseaux qui venaient cogner dans la véranda.

 

335.

Je me souviens du jour où je suis devenue propriétaire pour la première fois, j'avais l'impression d'avoir acheté ma propre tombe.

 

336.

Je me souviens du vélo du livreur de journaux dans le petit matin.

 

337.

Je me souviens du baiser du soir que me donnait ma mère, de l'odeur du vétiver qui restait contre ma peau longtemps.

 

338.

Je me souviens de m'être brulé la langue souvent parce que la soupe était bonne et que je ne pouvais pas attendre.

 

339.

Je me souviens du rayon de soleil sur le pied de ma gosse, hochet lumineux.

 

340.

Je me souviens de la voix de la dame de l'horloge parlante, toujours gentille, toujours patiente, elle te répondait à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.

 

341.

Je me souviens de la grosse pièce de cinq francs dans la poche et de tous les rêves le long du chemin pour aller jusque chez l'épicier.

 

342.

Je me souviens derrière la porte, le souvenir insoumis de la liberté.

 

343.

Je me souviens d'avoir jeté très haut un chapeau de paille en criant "Mexiiiiiico !"

 

344.

Je me souviens du curé qui tirait la tronche parce que ma robe de mariée était rouge.

 

345.

Je me souviens de la vespa rose qui était souvent attachée à un réverbère, juste à côté du Panthéon.

 

346.

Je me souviens de mon fils, son visage de vert maquillé, il disait "je suis pas un poireau moi, je suis un dragon vert !"

 

347.

Je me souviens d’avoir été déçue de ne pas voir d'éléphants roses jusqu'à ce que je m'enfonce soudain, absorbée par le moelleux du canapé pour finir au plus profond de la terre…

 

348.

Je me souviens de cet homme qui croyait voir Dieu dans les petits trous des écouteurs du téléphone.

 

349.

Je me souviens sous la table, les pieds des grands, les conversations des adultes et le plancher comme un royaume pour moi toute seule.

 

350.

Je me souviens de la fois où t'as voulu jeter des confettis partout dans ta chambre, ça m'a pris deux jours pour tout aspirer mais c'était tellement beau de te voir danser dans la couleur…

 

351.

Je me souviens, quand on partait en pique-nique, on n'avait qu'un couteau, on l’appelait : “LE couteau du Parti”.

352.

Je me souviens de la vierge en plastique que maman avait plantée au milieu des poireaux du potager pour que le soleil revienne.

 

353.

Je me souviens de celui qui avait un crâne tatoué sur le genou, il m'avait abordée en me demandant du feu, après l'amour il avait sorti son briquet pour fumer sur le balcon, j'avais souri…

 

354.

Je me souviens de ces femmes baptisées sur la plage du Havre, le vent, leurs rires, les chants dans une langue inconnue à mes oreilles et, dans ma mémoire, comme des dragées au goût salé.

355.

Je me souviens du poster des Floyd au-dessus de mon lit, la tête qui tentait de s'échapper du mur en hurlant, il a fallu l'enlever, plus tard, ça faisait peur aux gosses.

 

356.

Je me souviens de ce petit caillou de 88 grammes qui a terminé son voyage dans l'espace en atterrissant sur le toit de la maison de Madame Comette.

 

357.

Je me souviens de ces vaches acrobates, accrochées à la pente, et le bruit de leurs cloches qui résonne longtemps encore après qu'elles ont disparu dans le rétroviseur…

 

358.

Je me souviens du voisin qu'avait voulu m'emmener faire un tour en moto, j'avais fait cent mètres en hurlant de toutes mes forces, j’avais juré plus jamais.

 

359.

Je me souviens d'avoir foncé contre un mur de toutes mes forces dans l'espoir insensé de le traverser, comme Le Passe-Muraille, j'en avais conclu, très scientifiquement, que les atomes qui me constituaient étaient plus gros que ceux du mur.

 

360.

Je me souviens des empreintes de pieds qui apparaissaient progressivement sur le papier photosensible.

361.

Je me souviens du petit cartable avec un prénom brodé.

 

362.

Je me souviens dans le métro au milieu de la foule, ça se pressait, ça courait, ça gueulait, ça dégueulait, même, de bruit et de sueur, mais la main de mon père dans la mienne.

 

363.

Je me souviens de la magie du bateau qui se dessine lentement, le blanc d'œuf coule au fond du verre d'eau que maman a placé près de la fenêtre au matin du jour de l'an.

 

364.

Je me souviens d'avoir pensé qu'il n'y aurait plus jamais d'autre vers à écrire quand j'ai lu pour la première fois :

 

Car j'ai vécu de vous attendre, Et mon cœur n'était que vos pas.”

 

365.

Je me souviens de me souvenir du vivant, pour que ça reste, vivant. Même mort.

 

Comme si l'on pouvait fixer l'éphémère...

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