Texte du sujet: Les Rêves - Sujet 4 : "Requiem for a Dream"

Je me suis réveillée d'un rêve. Je ne comprenais pas où j'étais au début. En ouvrant les yeux et en regardant autour de moi, j'étais dans ma chambre minable. Il faisait terriblement chaud. La canicule touchait tout le monde. Le soleil commençait à se lever et transperçait les tissus dégueulasses qui me faisaient office de rideaux. Il ne doit pas être très tard. Je me rappelle d'Andrea. Il était dans mon rêve. Je me rappelle certaines couleurs mais surtout je me rappelle de son parfum, de ses mouvements, de ses caresses, de tout ce qui me manque depuis qu'il est parti. Je ne voulais pas sortir de ce rêve. Pas tout de suite. Continue de me toucher, de m'embrasser, de me faire sentir moi. Je me rappelais enfin cette sensation de me laisser complètement immergée dans notre passion charnelle.

Progressivement, je revenais à la réalité. Maintenant, il n'est plus à mes côtés, il est parti. Il a tout quitté. Moi, sa famille, son boulot, notre appart, même le pays. Où es-tu ? Me reviennent à l'esprit ces derniers appels. Qu'on soit amis. Comment peut-on devenir simplement amis après tout ce qui s'est passé ? Notre connaissance intime l'un de l'autre dépasse ce que la plupart des gens connaîtront jamais de quelqu'un d'autre. Comment avait-il pu me demander ça...

Je suis assise sur le lit. Le soleil se reflète sur quelque chose. Mon revolver, au pied du lit. Je pense souvent à en finir. Avoir conscience que jamais plu je ne me sentirai pleinement moi-même, que ce vide est mon nouvel éternité, c'est quelque chose de trop lourd à porter. La douleur ne s'en va pas, même avec les années. Pas quand on a connu ça.
Il faut que je me lève, que j'émerge. Les souvenirs du rêve de cette nuit, mêlés à l'aigreur de l'avoir laissé partir sans me battre davantage sont en train de me rendre malade. J'aimerais quand même en profiter encore un peu. Tout s'évapore petit à petit. Je m'habille. Quelques souvenirs du rêve me reviennent. J'ai une boule au ventre. Une sorte de papillon. Je sais où est Andrea.

Inexplicable mais je sais et je dois y aller. Je sais que si j'écoute le papillon, aujourd'hui je reverrai Andrea.

Je prends l'avion. Je n'ai qu'un sac à dos avec moi. Mon périple dure quelques heures. J'arrive dans sa ville. Je n'ai aucune certitude factuelle mais ce papillon dans mes tripes en est sûr. Je me guide à l'instinct. Je lève les mains tantôt à droite, tantôt à gauche. Je me laisse guider par ce que je ressens au toucher du vent. Il m'a fallu l'après-midi pour le trouver dans cette ville. Désormais, je le vois. Andrea est là, debout, en train de discuter avec des gens. Il a un sac en bandoulière. Je le reconnais ce sac. On avait été l'acheter ensemble. Je suppose qu'il sort du travail. Je le suis. Progressivement, les gens qui l'accompagnent le quittent, prennent d'autres directions. Il est seul. Je continue de le suivre. Je vois à son comportement qu'il sait qu'il se passe quelque chose. Il n'a pas l'air d'avoir peur. Peut-être qu'il sait lui aussi qu'on se retrouverait aujourd'hui.

Il arrive devant une porte, s'arrête, regarde dans sa boîte aux lettres. Je traverse la rue, me retrouve devant lui. On se dévisage quelques instants avant de s'embrasser fougueusement. J'ai toujours su que ce n'était pas terminé, qu'on ne pouvait pas s'arrêter là. Pour ça que je n'ai pas pressé la détente. Il m'emmène sur le toit de son immeuble. Il n'y a personne. Pas de vis-à-vis. On est seuls tous les deux. On ne s'est pas arrêtés chez lui. Je sens à nouveau l'amertume s'emparer de moi. Il ne veut pas que j'entre de nouveau dans sa vie. C'est difficile de résister, de hurler, de lui confier combien j'ai pensé à lui. J'ai tellement envie de ressentir, à nouveau, cette fois pour de vrai notre chaleur mutuelle, notre envie de nous dévorer l'un l'autre. J'ai compris que quand ça serait fini, je devrais rentrer chez moi. Je ne veux pas que ça se termine. Je veux l'emporter toujours à l'intérieur de moi. Lui aussi sait ce que je ressens, il sait ce que je veux, ce que j'espère. Il me dit qu'il ne veut pas me faire du mal. Il fallait y penser avant de disparaître. On profite l'un de l'autre une dernière nuit mais après, il faudra agir.

À l'aube, Andrea s'assoit à côté de moi et regarde par terre. Le soleil se reflète sur quelque chose. Andrea aussi a un revolver. Il était dans son sac mais désormais, il est dans ses mains. Andrea pleure. Il dit qu'il n'en peut plus, qu'il est parti parce qu'on ne peut pas vivre comme ça, que nos émotions étaient et sont toujours trop fortes, qu'il ne le supporte plus, que c'est trop pour lui. Il dit qu'évidemment il n'a pas oublié, qu'il n'arrive pas à oublier. Il dit qu'ensemble, on ne se laisse pas vivre, on se perd l'un dans l'autre et qu'on oublie complètement le reste. L'arme est sur mon cœur. Je n'ai pas peur. Je le regarde, je l'écoute. Je ne pleure pas. Avec l'autre, on ne vit pas mais sans l'autre, on souffre d'autant plus. Jamais on ne trouvera la paix si on continue. Il a raison.

Quelques heures plus tard, des tracés à la craie blanche dessinent nos corps sur le toit où nous nous sommes liés une dernière fois. Nous sommes enfin parvenus à disparaître de la vie l'un de l'autre définitivement.

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A-Nacht
Cette histoire me parle trop pour que je puisse la commenter objectivement...
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